Courant d’idées, mode ou mouvement, le romantisme a marqué l’Europe environ trois décennies, de 1820 à 1850. Il a été préparé par le pré-romantisme d’un Rousseau, la Nouvelle Héloïse (1761) et son décor alpin lançant la vogue de la montagne. Les Pyrénées sont quant à elles “inventées” par Ramond avec les Observations faites dans les Pyrénées (1789).
La quête romantique de l’ailleurs, de l’exotisme, des particularismes régionaux, comme des contrées sauvages, y trouve un territoire de prédilection : tout y est, des monts affreux aux ruines médiévales, des orages sublimes aux costumes pittoresques des autochtones, des cavalcades vers l’Espagne aux villes d’eaux où transporter son vague à l’âme et soigner sa tuberculose, du désert à l’Arcadie. Le voyage aux Pyrénées fait alors partie de l’éducation de tout mondain qui se respecte. Initié par de nombreux Britanniques à l’aube et durant les premières décennies du XIXe siècle (Robertson, Hardy, Nattes, Colston, Allom), il conquiert des adeptes de tous horizons.
La présence de tableaux à sujets pyrénéens est remarquée au Salon chaque année à Paris, dès les premières années du XIXe. Stimulés par les Conseils de Valenciennes en matière de peinture de paysage (1800), de nombreux artistes, souvent ses élèves, viennent découvrir le charme de la vallée de Campan (Millin du Perreux), des environs de Cauterets et de la vallée d’Ossau (Sarazin de Belmont), de Luchon et autres sites (Lejeune), fixant durablement les composantes du succès de leurs sites puisqu’on les retrouvera dans la carte postale un siècle plus tard.
L’image multiple contribue à étayer et diffuser cet engouement. De nombreux dessinateurs de vues sont envoyés par leurs éditeurs d’une station thermale à l’autre. On pense à la talentueuse équipe du baron Taylor composée d’artistes tels Dauzats, Chapuy, Villeneuve, Haghe et bien d’autres encore. Certains viennent sur ordonnance médicale guérir diverses affections comme Delacroix, Roqueplan, Huet, Devéria, qui sont envoyés aux Eaux-Bonnes. Il en est qui viennent par curiosité et soif de découverte, comme le tout jeune Eugène Viollet-le-Duc qui arpente la vallée d’Ossau en 1833.
Largement diffusées par la lithographie, les beautés pyrénéennes sont les héritières de l’esthétique du jardin paysager du XVIIIe siècle et du paysage “composé”. Le trajet le plus prisé fédère lacs, cascades, grottes, pelouses arcadiennes, chaos de rochers, ruines ou scieries pittoresques. Les peintres restent le plus souvent au pied de la montagne, ou aux abords des routes (Melling). Leurs images affichent tantôt le caractère outré de la beauté sublime : cimes étirées plus que de raison, violents effets de clair-obscur (Allom, Tirpenne, Gorse), tantôt le caractère charmant et détaillé du style pittoresque (Mialhe, Dandiran, Jacottet, Oliver). De même, l’illustration à la gravure sur bois envahit les récits de voyage, l’exemple le plus parlant est le Voyage aux Pyrénées de Taine (éd. de 1860), orné de quelque 341 vignettes signées de Doré*.
Hélène Saule-Sorbé, Professeur des Universités en Arts plastiques
Université Michel de Montaigne – Bordeaux 3
Pour en savoir plus
- Jean Fourcassié, Le Romantisme et les Pyrénées, Gallimard et Privat, Paris-Toulouse, 1940 ; rééd. Annales Pyrénéennes, ESPER, Toulouse, 1990.
- L’Occitanie romantique, sous la direction de Claire Toreilles, CELO, WILLIAM BLAKE & CO. EDIT., Périgueux, 1997.
- Marguerite Gaston, Images romantiques des Pyrénées, Les Amis du Musée Pyrénéen, Pau, 1975.
- Hélène Saule-Sorbé, Pyrénées, Voyage par les images, Ed. de Faucompret, Serres-Castet, 1993.
- Fonds, Musées : BM Pau, Toulouse, Musée Pyrénéen - Lourdes, Musée des Beaux-Arts - Pau